Points de suspensions
vous êtes ici > accueil > jeunesse > Lucie Greif
médiathèque Georges Pompidou
présentation
Occupation/Résistance
Conférences en images
 
langue française
sans faute
erratum
le tréma
vacances avignonnaises
 
évènements
Balade à pas comptés
La plume musicale
Yvette Godin
Robert Bigot
La question Tibétaine
Bach et Rameau
la trilogie Joubert
géopolitique de l'islam
une dame nommée wanda
Johann von Schiller
Konrad Lorentz
Frantz Schubert
Wanda Landowska
Albert Einstein
Prix Ernaux 2008
Prix Ernaux 2007 palmares
Prix Ernaux 2007
Prix Ernaux 2006
Prix Ernaux 2005
Prix Ernaux 2004 adultes
Prix Ernaux 2004 juniors
Journée Reine Hortense
Journée St Leu la poésie
Erreur de Chantal Gosset
Victor Schoelcher
 
du côté des femmes

aung san suu kyi
Wangari Maathai
 
coups de coeur
Daniel Marty
Jean Bensimon
maestro
Lettre à mon jardin
Pour Camille
Gisèle Pineau
Diaporama
Club lecture
Bonnes nouvelles
Histoire de coeur
Cinéma
Conte-leu
Musique
Les mille et une nuits
l'écrivain
l'attaché case
à mots contés
la sente
chagrin d'amour
vous avez dit coua
 
remue-méninges
 
patrimoine
Eyvind Johnson
Hortense, duchesse de St Leu
histoire de st leu
conférence sur la résistance
les sentes de st leu (pdf)
 
jeunesses
Gwenaell Poline
Marie-Ange Le Rochais
Modigliani
A vos manettes
Marie Turcan
Eléonore Greif
Lucie Greif
 
contact
jeunesse


Lucile Greif En classe de 4ème

 

« Souviens-toi... »



« Hum ! gémit-elle en se réveillant et en s'étirant, mais, mais où suis-je? Que se passe-t-il ? Quel est ce bruit d'eau ? Et d'où vient tout ce sable ? » Elle se releva, et regarda autour d'elle, mais ne voyant rien qu'elle connaissait elle commença à s'inquiéter. Quand soudain, elle réalisa quelque chose : elle ne savait plus qui elle était. « Quel est mon nom ? Quel est mon âge ? Qui sont mes parents ? Où suis-je née ? Ai-je des frères, des sœurs ? Suis-je mariée ? Ai-je des enfants ? Je ne me souviens plus de rien ! Ce n'est pas possible ! » Tout ce dont elle se rappelait c'était de s'être endormie, elle ne savait plus ni où ni quand, puis de s'être fait tirer sur du sable chaud sur une grande distance. Ce souvenir était assez récent, mais rien d'autre ne lui revenait en mémoire. Elle ne pouvait même pas deviner si elle avait été pauvre ou riche car elle était pieds nus, une légère robe couvrait sa mince silhouette, ce genre de vêtement dont les personnes aisées se vêtent pour dormir, et qui est l'habit quotidien des femmes sans argent, et aucun bijou ne parait ses oreilles ou sa gorge. Ce qui l'effrayait le plus était qu'elle se rappelait toutes les choses qui nous prouvent, tous les jours, que l'on est bien vivant comme le parfum des fleurs, les cris des marchands devant leurs étals pour gagner leur vie, le froid mordant de la bise en hiver, le goût des poissons, la chaleur de la mer en été, la beauté des tissus colorés dont on va faire des tuniques, et même le regard implorant des pauvres gens qui mendient. Elle se rappelait tout, sauf ce qui avait eu un rapport avec sa vie à elle, comme si elle avait été un fantôme qui aurait tout vu, mais que personne n'aurait remarqué, comme si elle n'avait pas d'amis, pas de parents ni de maison.

Elle commença à explorer les alentours, en marchant lentement, comme sous l'effet d'un somnifère puissant qui la tiendrait encore engourdie. Elle se trouvait dans une petite forêt dont le sol était recouvert d'une fine couche de sable chaud et doux. Elle découvrit la petite source qu'elle avait entendue auparavant en se réveillant. L'eau paraissait propre et pure, elle s'y désaltéra puis décida même de s'y laver, car sa température était tiède, et qu'elle se sentait sale. Sa peau était si douce et sa façon naturelle de se laver si distinguée et méthodique, qu'elle en déduisit qu'elle devait être issue d'un milieu aisé où l'on se lavait régulièrement. Ceci étant fait, elle décida de continuer son exploration dans le but de trouver à manger. Elle entreprit de suivre le fil de l'eau jusqu'à la mer, avec en pensant que si elle restait au bord du rivage peut-être qu'un bateau l'apercevrait. Elle se mit en route dans la forêt calme, les grandes feuilles vertes des arbres lui caressaient le visage, le vent faisait voler les pans de son corsage, le sable glissait entre ses orteils et son visage était délicatement éclairé par les rayons du soleil levant. Les branches d'un oranger, à quelques pas d'elle, ployaient sous le poids des fruits. Elle en cueillit un, s'assit sous l'arbre, à l'ombre, et commença à l'éplucher. C'était un bel été, elle ne manquait de rien sur cette île, elle entendait les oiseaux chanter, et l'odeur des agrumes embaumait. Mais ne pouvoir se souvenir de son passé la gênait, peut être que chez elle, ses parents pleuraient leur fille, peut être qu'un mari la regrettait, comment savoir ? Quelques larmes roulèrent sur ses joues, mais lorsqu'elle porta le premier quartier d'orange à sa bouche, une vague de couleurs, de sons et de goûts la submergea. Un jour revint en sa mémoire, elle mangeait une orange et buvait un peu de vin avec une amie dans une vaste pièce éclairée par la lumière du soleil. Elles riaient beaucoup pendant qu'une servante essayait tant bien que mal de lui fermer son corset. Une femme imposante pénétra dans la pièce.
  « Anna, s'écria la jeune fille, ma douce nourrice !
  - Dépêchez-vous mademoiselle, le bateau est arrivé !
  - Il m'agace ce bateau, je ne peux plus supporter de voir ces pauvres gens.
  - Votre père le veut.
  - Mais je n'aime pas mon père, tout est de sa faute !
  - Taisez-vous maintenant ! »
Son dernier souvenir était celui de sa bonne la vêtant d'une somptueuse robe blanche, le reste était beaucoup trop flou. Ah! Sa chère Anna! Comme elle lui manquait, mais elle était si heureuse de s'en souvenir! C'était une femme attentive, patiente, courageuse, pleine d'amour, comme si c'était cela qui l'avait rendu aussi forte et aussi énorme. Un trop plein d'amour qu'elle ne pouvait donner à ses propres enfants car la nature ne lui en avait pas offert, mais qu'elle distribuait alors à la petite fille noble. Mais ce bateau d'où venait-il ? Que transportait-il ? Qui étaient ces pauvres gens, dont elle parlait ? Et qui donc était son père ? Elle avait l'impression qu'au lieu d'avoir éclairci sa mémoire, ce souvenir l'avait embrouillée, il la faisait se questionner encore plus sur elle-même. Elle se sentit à nouveau perdue et comprit que ce qui lui manquait sur cette île était de la compagnie autre que celle des oiseaux. Elle finit son orange, se releva et continua sa route. Elle longea des yeux le ruisseau qui grossissait à vue d'œil, et devenait de plus en plus puissant au fur et à mesure qu'elle avançait. Cela lui donna l'espoir d'arriver bientôt à la plage, et elle eut l'impression d'élever ce ruisseau, elle le voyait grandir, elle était sa nourrice, il devenait de plus en plus vaillant. L'entrain du cours d'eau lui redonna espoir, c'était un véritable enfant qui ne s'épuisait jamais, qui mettait toute sa force et son courage dans des petites choses si importantes pour lui. Il fonçait sur un rocher, pleurait un peu puis repartait de plus belle, toujours plus rapidement. Parfois il paraissait faire un câlin à la souche d'un arbre mais dès que ses racines, comme attendries, se resserraient sur lui, semblant lui rendre son amour, il les repoussait violemment. Elle rit de cette image, elle avait une grande imagination, elle progressait avec plus d'ardeur, repoussant les branches qui gênaient son passage, d'un petit coup joyeux. Mais sa bonne humeur disparut bien vite car la fin de ce cours d'eau n'arrivait pas, il se prolongeait encore et encore. Parfois il se cachait derrière un bosquet, elle espérait alors, mais elle le retrouvait toujours aussi joyeux. Il grandissait, ça se voyait, mais jamais assez pour que l'on soit sûr que la mer était proche. L'entrain du ruisseau commençait même à l'agacer, il était si confiant, si sûr de lui, de là où il allait, il connaissait sa vie, son devoir, son destin, il suffisait qu'il refasse le chemin à l'envers pour retrouver sa source. Pour elle ce n'était pas si facile, il y avait comme un mur devant son passé, elle avait beau se retourner, tâtonner à l'aveuglette elle tombait toujours sur ce mur noir, et épais. Elle avait réussi à en briser une pierre mais c'était en s'éloignant, en profitant de l'île, en suivant l'eau. Comme si le fil de son histoire, le fil de ses souvenirs, était lié au fil de ce ruisseau, plus elle se rapprochait de la mer plus ses souvenirs était précis. Il ne fallait pas qu'elle cherche sa source, son lieu de naissance, elle ne pouvait pas remonter à contre-courant, faire tomber le mur, il fallait qu'elle se dirige vers la mer, vers son destin. Peut-être que lorsqu'elle ne chercherait plus à se souvenir, mais à être heureuse, elle se rappellerait tout. En pensant à cela, sa mémoire se fit plus claire, et des images lui revinrent. Un soir, une pauvre femme qui avait été, sans doute, rouée de coups tant elle saignait, demanda asile dans le château. On lui donna à manger, et un médecin nettoya ses plaies. Un homme l'avait trouvée dans la rue alors que des brigands venaient de lui voler son argent, elle s'était débattue de toutes ses forces, ce qui avait fort irrité les bandits qui avaient alors voulu la tuer. L'arrivée de l'homme les avait fait fuir et il l'avait ramenée au palais. Le lendemain, son sauveur avait été félicité. Mais la paysanne ne retrouvait plus la mémoire de tout ce qui la concernait, comme son nom, son village, ou sa famille. Anna lui avait dit qu'elle avait trop souffert et qu'inconsciemment elle savait tout ce qui lui était arrivé, mais qu'elle ne voulait plus s'en souvenir. Elle était devenue servante au château, et sa mémoire était revenue au fur et à mesure du temps, et un jour elle avait pu rentrer chez elle. Elle se rappela alors les adieux de la brave femme à ses parents, son père était un homme au visage dur et sévère mais il avait l'air juste, sa mère avait des traits fins et délicats, un nez légèrement retroussé, des yeux d'un noir profond, une longue chevelure ondulée et une silhouette fine. Elle était très belle, mais elle avait un soupçon de tristesse, de peur, et elle semblait soumise. C'était étrange elle avait plus de souvenirs de sa mère que de son père, elles s'étaient sûrement mieux connues. Peut-être lui arrivait-il la même chose, elle avait trop souffert, ou elle avait trop honte de ce qui lui était arrivé et ne pouvait s'en rappeler car elle ne le voulait pas ! Avait-elle commis une énorme faute ? Avait-elle désobéi à son père ? L'avait-on trahie, humiliée ? Tant de questions soulevées par une simple hypothèse. Cette forêt commençait à l'impatienter, elle ressemblait à un grand labyrinthe dont on ne pouvait sortir, elle ne pouvait voir que le soleil passer à travers les branches des feuillus qui l'entouraient. Comment connaître l'heure, et la direction dans laquelle elle allait? Lorsqu'elle pensa au mot labyrinthe, son sang se glaça dans ses veines et un frisson lui parcourue l'échine, elle n'aimait pas ce mot. Pourquoi, elle n'en savait rien, à nouveau plusieurs raisons lui vinrent à l'esprit, mais aucune ne semblait réelle, toutes paraissaient être le fruit de son imagination, de simples pensées qui ne correspondaient pas à son sentiment. Alors elle pensa à son père, et eut l'impression de se rapprocher de la vérité, de voir un rapport. Mais lequel ? Que venait-il donc faire ici ? Pourquoi le voyait-elle maintenant comme un "dédale" ? Qu'avait-il donc fait ? « Il faut que je le découvre, s'exclama-t-elle, c'est mon père enfin, ce n'était peut être pas si horrible que cela, pouvait-il par exemple, rattraper la faute de quelqu'un d'autre ? La mienne ? Celle de ma mère ? Je préférerais garder en tête que c'était moi qui avais péché, ce que mon père essayait de racheter, et c'était pour cela que je m'étais enfuie. Même si, au fond de moi, je savais que ce n'était pas vrai. »
Elle se demanda si en fin de compte, cela servait à quelque chose de se souvenir, de comprendre son passé si elle ne pouvait s'enfuir de cette îlot de solitude, il faudrait qu'elle apprenne à voir son futur ici, ou peut-être qu'elle n'avait plus aucune raison de vivre. A quoi bon se morfondre sur de pauvres petits souvenirs de princesse, si c'est pour qu'une robe fine, un peu déchiquetée, lui couvre le corps, qu'elle soit seule de l'aube jusqu'au crépuscule, et que sa seule compagnie soit deux ou trois oiseaux et insectes qui passaient rapidement par là. Evidemment sur cette île, quelle vie merveilleuse elle mènerait, le soleil la réveillerait délicatement à son lever, l'eau du ruisseau laverait sa douce peau,  le jus de quelques fruits exotiques coulerait dans sa gorge, elle pourrait apprendre à pêcher, elle se construirait une jolie chaumière qu'elle rendrait plus sûre et confortable au fil des ans, elle ramasserait de magnifiques coquillages avec lesquels elle décorerait son abri, elle trouverait bien une plante qui lui permettrait de se tisser de nouveaux vêtements, et le soir elle se coucherait bien au chaud sous un édredon de grandes feuilles de la forêt. L'été commençait à peine et elle aurait bien le temps de dompter cette île avant le début de l'hiver. Quel beau rêve, une vie sans contrainte, sans aucune obligation. Un véritable paradis sans personne pour lui dire de faire ceci ou cela, pour lui rappeler ses devoirs, pour lui demander de se tenir droite, de rester calme, de ne pas s'amuser, de travailler régulièrement et tant d'autres ennuyeuses contraintes. Oui mais voilà, ce qui lui plaisait c'était la compagnie humaine, voir des gens, leur parler, rire avec eux, devenir leur amie, et plus que tout les aimer! Ah, l'amour, le grand amour, depuis combien d'années en rêvait-elle ? Peut-être l'avait-elle trouvé, peut-être avait-elle quitté son palais à cause de lui, avait-elle croqué dans la pomme d'Adam et Eve pour mériter ce châtiment ?
Tout en essayant de suivre le fil de son histoire, elle se rendit compte que le bruit de la mer se rapprochait, le sable abondait sous ses pieds, la forêt perdait de son épaisseur, elle arrivait à la plage! Soudain, tout s'accéléra, ce qu'elle cherchait depuis un moment arriva, les arbres disparurent, le soleil l'éblouit, elle vacilla et se retrouva allongée, heureuse. De plaisir elle se roula dans le sable. Elle n'avait pas retrouvé la mémoire, mais elle pouvait maintenant faire un grand feu qui alerterait sûrement un bateau des environs. Elle se retourna, décidée, lorsque quelque chose d'assez éloigné dans la mer attira son regard, un navire !
Pourquoi, où, quand, comment, qui ? Tout revint à sa mémoire, sa vie, sa mère, son père, le monstre et son amour surtout :

« Thésée, Thésée! hurla-t-elle en vain, ne me laisse pas! » Soudain Dionysos l'emporta, en soufflant à son oreille : « Ariane, mon Ariane... »
 
 
vous êtes ici > accueil > jeunesse > Lucie Greif
Saint Leu La ForêtCommunauté d'agglomération Val ForêtCommunauté d'Agglomération Val Parisis
271 Chaussée Jules César
95250 Beauchamp
01 30 26 39 41
Médiathèque Georges Pompidou Saint-Leu-la-ForêtMédiathèque Georges Pompidou Saint-Leu-la-Forêt
           6 avenue des Diablots
           95320 SAINT-LEU-LA-FORÊT
           Tél. : 01 34 18 36 80
           mediatheque.stleu@valparisis.fr
   
Les amis de la médiathèque de Saint Leu la Forêt | 8, sente des Potais - 95320 Saint-Leu-la-Forêt - 01 39 60 52 11 - lesamis@signets.org | réalisation Gérald Lapacherie ©2012